La vie d’Alexandra Palardy gravite autour du cheval, plus particulièrement du Trait Poitevin mulassier. Séduite par cette race, en 2004 elle adhère à l’Association Nationale des Races Mulassières du Poitou (ANRMP) et se lance dans l’élevage de ce « Fils du vent marin, de la terre et des eaux ″. Originaire des marais du bas Poitou, le poitevin fait partie de notre patrimoine local. Rencontre…
Pourquoi le cheval et quel a été votre parcours équestre ?
J’ai toujours aimé les chevaux. Toute petite, j’avais 5 / 6 ans, mes parents ont acheté une double ponette. On montait dessus, tous les ans on la faisait saillir et j’adorais ça ! Après la troisième, je suis partie en formation élevage à l’école de Bournezeau et j’ai fait plein de stages plutôt orientés CSO. Ensuite, j’ai acheté une jument selle français et j’ai commencé l’élevage.
Loin du CSO, vous pratiquez maintenant l’attelage. Qu’est-ce qui vous a amené à cette discipline ?
J’ai un ami qui travaillait au centre de dressage de Ste Radegonde des Noyers, et de temps en temps j’allais l’aider. Comme il cherchait quelqu’un pour faire des balades touristiques à Luçon, j’ai passé mes galops d’attelage en deux mois et j’ai fait la saison. Et puis mon ami a démissionné et j’ai récupéré sa place. Ça fait onze ans.
L’attelage est devenu ensuite votre loisir. Comment gérez-vous cette activité ?
Actuellement c’est un peu compliqué avec les enfants. En général, je fais quelques rallyes et j’aime bien me balader en famille, souvent avec un copain qui attèle un poitevin. L’hiver un peu moins. Je cherche des endroits sympas où on n’est pas embêté par les voitures, pour se faire plaisir. Par ici on a pas mal de chemins ! Et en attendant que ma pouliche poitevine soit débourrée, j’attèle une cob croisée poney français de selle qui va super bien.
Expliquez-nous votre travail au Centre de dressage …
On débourre et on dresse des chevaux de trait, beaucoup de poitevins. En fait, le centre est agréé par l’ANRMP, et grâce à ça le propriétaire d’un poitevin a une réduction à condition que le cheval soit inscrit au programme d’élevage. Après, avec les poitevins, on fait des balades touristiques sur l’Aiguillon, la Faute et dans le marais. Et d’avril à octobre, il y a l’activité d’éco-pasteur. Dans six marais communaux, nous surveillons à cheval l’état sanitaire des troupeaux, l’état des clôtures, des pâtures, et on note tout ce qu’on a observé sur la faune et la flore. Avant de commencer, j’étais allée me former chez Renaud Vinuesa, en Camargue.
Quand et comment avez-vous découvert le trait poitevin ?
A la fin de mes études, après un stage à la station des haras de Luçon, les Haras Nationaux m’ont proposé un poste. C’est là que j’ai connu le trait poitevin, ensuite je l’ai utilisé quand j’ai fait la saison touristique. Du coup, j’ai laissé tomber les selles français et j’ai acheté une jument poitevine !
Quelles sont ses caractéristiques ? C’est un trait élégant…
Voilà. C’est un cheval de trait qui ne ressemble pas aux autres traits. On le voit bien au Salon de l’agriculture, il attire les gens ! Le poitevin est imposant, mais il est grand et élancé, avec de la longueur, de beaux poils aux membres et des crins bien fournis. On a pas mal de robes, mais pas de pie…pas de taches blanches ! Celles qu’on préfère c’est l’isabelle, le noir et le gris. Ce sont des chevaux dociles et calmes, assez faciles et simples à dresser.
Quelles sont les utilisations du poitevin ?
C’est un cheval polyvalent. Avant, ils étaient surtout utilisés pour faire des mules et un peu pour les travaux des champs. Aujourd’hui, de plus en plus de professionnels l’emploient : pour le travail dans les vignes, le maraîchage, le débardage, l’entretien des espaces verts dans les villes, le ramassage des déchets comme sur les plages de l’île de Ré… On en voit beaucoup plus en randonnée, un peu montés mais surtout attelés, et pas mal de gens se lancent dans des petits concours de dressage. Des reprises simples, mais c’est bien ! Il est aussi utilisé en spectacle, comme Mélanie Goemaere et ses deux poitevins.
Ou encore au cinéma, dans le film les Visiteurs, avec l’étalon vendéen Dartagnan… Au début des années 90, les effectifs étaient très bas et la race était menacée. Qu’en est-il depuis ?
La race est toujours menacée. On élève le poitevin en race pure pour remonter les effectifs, mais depuis deux ans les naissances chutent. Je n’ai pas les chiffres pour 2014, mais en 2013 il y a eu 61 naissances. Ce n’est pas beaucoup ! Le problème, comme les chevaux se vendent moins bien, forcément, les éleveurs font moins saillir. Pourtant il y a une demande, mais ce qui nous manque ce sont des chevaux prêts à être utilisés.
Parlez-nous de votre élevage…
J’ai eu plusieurs juments, mais c’est plus difficile en ce moment et j’ai diminué l’effectif. Il m’en reste deux : une poulinière que je fais reproduire tous les ans, et une pouliche que je vais débourrer et travailler. Par la suite je la ferai saillir. Je manipule les poulains très tôt : mettre le licol, prendre les pieds… Je garde les mâles rarement longtemps, à deux ans ils sont partis. Ça dépend de l’utilisation, mais en général ce sont des chevaux qu’on castre un peu tard, vers trois ans. Ils finissent leur croissance vers 6 ou 7 ans, et pour la race, on a toujours besoin d’étalons pour éviter la consanguinité.
Si je vous demandais un moment fort de votre expérience d’éleveur ?
Le premier poulinage d’une de mes poitevines. En plus c’était une pouliche, j’étais contente ! Elle avait déjà eu des poulains, mais on ne sait jamais. Ce sont des juments qui ne vont pas forcément réagir si elles ont un problème. Il n’y a pas beaucoup d’éleveurs qui ne surveillent pas les poulinages.
Le mot de la fin, un message sur le trait poitevin…
Il faut encourager l’élevage et son utilisation, promouvoir la race. Par exemple, pour les faire connaître, d’avril à novembre je mets mes poitevines dans des petits communaux, à Luçon, qui sont entourés par un chemin de randonnée. On peut aussi venir les voir travailler au centre de dressage !